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Lettres persanes

Du 7 au 18 juillet,

Ça y est nous sommes à la frontière de Sérou. Beaucoup de camions attendent là plusieurs heures avant de passer. Avec nos vélos nous bénéficions d'un traitement de faveur et l'on nous fait passer devant. Les douaniers turcs s'intéressent à notre voyage et beaucoup d'hommes questionnent Pierre. Quant à moi, je suis complètement ignorée. On ne me regarde pas, on ne m'adresse pas la parole. On demande simplement à Pierre si je suis sa femme! On pensait que le poste frontière serait un peu plus grand que cela, mais nous ne trouvons pas de bureau de change pas exemple. Ça se pratique à la sauvette et nous sommes obligés de changer nos dernières lires turques pour des rials iraniens auprès de particuliers à des taux très désavantageux. Nous suivons un des habitants frontaliers jusqu'à chez lui pour changer nos dernières devise turques. Nous sommes très surpris de pénétrer dans son jardin où plusieurs femmes ne sont pas vêtues à l'iranienne, mais portent de jolies robes colorées. On nous offre un thé, mais on sent qu'il s'agit plus d'une règle, d'une coutume, que d'un plaisir. Le cœur n'y est pas, on nous dépose le plateau par terre et on ne partage pas le thé avec nous. Nous partons pour les 50km de route poussiéreuse qui nous séparent d'Ouroumieh. Il y a peu d'endroit où s'arrêter pour manger, lorsque nous croisons une petite épicerie avec une table extérieure nous en profitons pour nous restaurer un peu. L'épicier, trop content d'avoir trouvé des pigeons affamés nous prépare une omelette avec une boîte de thon à l'huile et du ketchup qu'il nous fait payer très cher.

Premiers kilomètres dans la brume iranienne

Autant dire que nous ne nous sentons pas bienvenus. Nous ressentons aussi une certaine hostilité sur la route. On croit dans un premier temps que des conducteurs de camions et de bus nous saluent de la main, mais ils nous font signe en fait de nous mettre dans le bas côté pour leur laisser la place! Pierre reçoit même un paquet de cigarettes vide en pleine figure! Heureusement après une longue ligne droite où l'odeur de pollution est vraiment désagréable, nous atteignons Ouroumieh. Nous trouvons la gare routière et réservons le jour même un bus de nuit jusqu'à Ispahan via Teheran.

Ces premiers kilomètres, ont été plutôt désagréables, nous sommes très heureux d'avoir choisi d'abandonner le vélo pour quelque temps en Iran. La situation politique, la chaleur et un visa limité à quinze jours nous ont en effet décidés à utiliser plutôt le bus pour parcourir le pays. La traversée du pays à vélo est faisable, mais il vaut mieux éviter les mois d'été (pédaler sous la chaleur avec un pantalon, des manches longues et un voile pour les filles ce n'est pas des plus agréable), être préparé à une circulation très désordonnée dans les villes (comment les iraniens peuvent-ils respecter des règles si strictes en matière de religion et être si laxistes pour le code de la route?) et à une pollution de l'air très désagréable. A posteriori nous ne regrettons pas ce choix qui nous a permis de nous attarder dans trois villes historiques du pays et d'y faire beaucoup de rencontres intéressantes.

 

Les trois villes où nous nous sommes arrêtés

 

ISPAHAN
Où nous rencontrons Mohammad, Azam et Nazanin

On ne peut pas aller à Ispahan sans passer par la place de l'Imam, c'est la plus grande place au monde après Tien an Men. Entourée d'arcades, sur chacun de ses quatre côtés est construit un bâtiment somptueux et emblématique: la mosquée de l’Imam symbole de la religion, la Mosquée du Sheikh Lotfollah symbole des arts, le palais d'Ali Qapu symbole de la loyauté et enfin le bazar symbole de l'économie. Au centre, des allées, des fontaines et des pelouses qui sont envahies le soir par des familles iraniennes qui y pique-niquent.

 

Place de l'Imam le jour

 

Place de l'Imam la nuit


C'est sur cette place que nous rencontrons, le soir de notre arrivée, Mohammad. Il a 20 ans et est étudiant en littérature anglaise. Il aime l'art et les langues étrangères, il parle l'anglais, l'arabe et l'italien et compose de la musique électronique. C'est aussi un fervent pratiquant musulman, il vient tout juste d'achever un jeûne rituel de trois jours lors de notre rencontre. Un peu fatigué, il nous propose tout de même de nous retrouver pour passer ensemble la journée du lendemain.

Mohammad nous fait découvrir le paludeh d'Ispahan, douceur à base de blé et parfumé au citron et à l'eau de rose. Original et rafraîchissant.

Il est fier de nous faire visiter les merveilles architecturales de sa ville, qui, il est vrai, en compte beaucoup. Avec lui nous visitons les parcs et les palais, les ponts ouvragés et les mosquées.

 

Salon de musique palais Ali Kapu. La structure en alvéoles travaillés des murs améliorait l'acoustique et surtout impressionnait les invités du Shah.

Mohammad nous montre une photo de sa copine sur son portable, non voilée. Tous les jeunes iraniens ont désormais des copains ou copines. Les rencontres ne sont pas aisées du fait de l'absence de mixité jusqu'à l'université et des règles strictes qui sont imposées par les familles. Cependant la généralisation du portable (qui ne coûte pas très cher en Iran) a facilité les choses. Nous passons un long moment à échanger ensemble sur la pelouse (les iraniens adorent les pelouses, le pique nique en famille est une institution). Mohammad est très croyant et prie trois fois par jour à la manière des chiites (qui groupent les deux prières du matin et du soir), il a avec lui son mini coran et son chapelet. Il nous parle très volontiers de sa religion. Il nous parait en revanche très peu politisé. Il regrette les émeutes et pense qu'il n'y en a pas eu à Ispahan (ce que d'autres iraniens contrediront). Nous passons par le grand pont de Si-O-Seh. Nous sommes surpris d'y rencontrer sur toutes les arches un militaire armé d'une matraque, peut-être une centaine sur le pont au total. Mohammad ne sait pas pourquoi. En fait ce jour là était une date anniversaire: le 18 Tir 1378 dans le calendrier persan (soit le 9 Juillet 1999) une protestation étudiante contre la fermeture de journaux réformateurs était réprimée par le régime. En mémoire de ce soulèvement des manifestations étaient prévues dans tout le pays. Nous apprendrons plus tard, par les voyageurs qui logent avec nous que quelques manifestants se sont effectivement réunis sur le pont d'Ispahan et ont été très brutalement dispersés.

Nous nous baladons le long de la rivière Zayandeh. Notre guide (Lonely Planet pour ne pas le citer) encense les maisons de thé qui se trouvent sous les ponts ouvragés, où il fait bon discuter autours d'un thé et fumer le narguilé en observant les reflets des lumières de la ville sur le fleuve... On recherche en vain une de ces fameuses maisons de thé. On apprend que le gouvernement les a faites fermer, le narguilé est interdit et, ironie du sort, le fleuve est tristement aussi sec que le coeur de ces dirigeants qui interdisent les boîtes de nuit, les cafés, les maisons de thé... Il ne fait plus si bon flâner en Iran.

Pont Si-o-Seh, sur la rivière Zayandeh complètement asséchée

Le lendemain nous rencontrons deux jeunes femmes iraniennes de notre âge, Azam et Nazanin, avec qui nous allons manger. Elles travaillent toutes les deux à mi-temps et utilisent leurs après midi pour prendre des cours de musique et de langue. Elles vivent chez leurs parents comme tous les jeunes iraniens non mariés. Contrairement à Mohammad, on sent qu'elles sont frustrées par le manque de liberté: interdit de danser, d'aller à la plage, de s'habiller comme elles le souhaitent... Comme beaucoup d'autres iraniens que l'on a rencontrés, elles n'hésitent pas à critiquer ouvertement leur gouvernement. Elles ont honte de leurs dirigeants qui donnent une image si négative de leur pays.

Avec Azam et Nazanin

En nous promenant à Ispahan nous nous rendons compte que les iraniennes ne sont pas toutes strictement vêtues. En Iran la tenue religieuse, ou hidjad, est obligatoire à partir de 9 ans, elle peut être au choix le tchador (qui veut dire tente en iranien), un voile noir qui recouvre tout le corps et les cheveux, ou, plus simplement un pantalon et une chemise longue ou un manteau couvrant les fesses assorti d'un foulard couvrant les cheveux. Nous croisons des jeunes filles dont le foulard est réduit à sa plus simple expression, certaines femmes le portent très bas, laissant apparaître leur chevelure. La grande mode est à la coque sur le devant, un peu comme dans les années 80, et assortie de grosses lunettes de soleil.

L'après midi nous allons visiter la cathédrale de Vank. Elle se situe dans le quartier Jolfa, où vit une grande partie des arméniens d'Iran. Ce quartier a été créé au début du XVIIeme siècle. Le village de Jolfa initialement situé en Azerbaïdjan a été "déplacé" sur ordre de Shah Abbas I (dynastie des Safavides) à Ispahan. Beaucoup d'Arméniens ont aussi fui la persécution ottomane et se sont installés dans ce quartier où l'on tolérait leur religion et respectait leurs talents d'artisans. A côté de la cathédrale se trouve un mémorial et un petit musée qui contient des documents relatifs au génocide arménien perpétré par le gouvernement turc sur la population arménienne d'Anatolie entre 1915 et 1916. Le génocide n'a jamais été reconnu officiellement par la Turquie. Selon un article de wikipedia dans les sondages, "huit Turcs sur dix pensent que leur pays devrait rompre les négociations d'adhésion avec l'Union européenne si celle-ci exigeait la reconnaissance du génocide".

 

SHIRAZ et PERSEPOLIS
Où nous rencontrons Tzyy, Aref, Myriem et Ali

Nous visitons les ruines de la cité royale de Persepolis situé non loin de Shiraz.
C'était la capitale de l'empire perse achéménide entre 500 et 300 ans avant Jesus Christ. Construite sous le règne de Darius Ier (Darius le Grand), elle a ensuite été utilisée et complétée par ses successeurs jusqu'à la chute de l'Empire et la destruction de la ville par Alexandre le Grand en 330 avant JC.
La carte ci dessous donne une idée de la puissance et l'étendue de de cet empire 500 ans avant Jésus Christ. Nous sommes contraints de réviser un peu nos connaissances historiques, limitées aux empires romains et grecs.

Porte de Xerces, Persepolis.

Tombeaux des rois achéménides creusés dans la falaise

 

La ville de Shiraz est moins fastueuse qu'Ispahan, elle fut cependant elle aussi la capitale de l'empire perse sous la dynastie des Zand au XVIIIeme siècle. C'est le souverain Karim Khan, pacifiste et éclairé, qui fit de Shiraz sa capitale. Il ne prit pas le titre de "Shah" (roi en perse) mais plus modestement celui de Vakil (régent). Shiraz est aussi traditionnellement la ville des arts et de la culture. On y trouve les mausolées de deux grands poètes persans, toujours révérés: Saadi et Hafez. C'est dans le jardin du mausolée de ce dernier que nous rencontrons Aref. Il a 37 ans et est professeur d'anglais à l'université de Shiraz. Il nous conduira dans de charmants recoins de sa ville et nous passerons de longs moments à échanger. Quelle gentillesse et quelle disponibilité alors qu'il vient tout juste d'être papa. Il est très modéré et réfléchi, mais n'hésite pas non plus à critiquer le régime en place. Il côtoie des étudiants et comprend que la situation est intolérable: pas de liberté d'expression et une répression sauvage. Un des étudiants de l'université a été tué lors des manifestations, son corps n'a été restitué à la famille que plusieurs semaines après.

Un soir dans un parc, Aref, Myriem, leur bébé de moins d'un mois et les boucles

Aref est curieux des coutumes occidentales, il nous demande à quel âge nous avons quitté le foyer familial et comment nous nous sommes rencontrés. Il est marié à Myriem, qui a dix ans de moins que lui; ils appartiennent à la minorité musulmane sunnite en Iran (90% des iraniens sont chiites). Les sunnites de Shiraz ont une petite mosquée qui leur est réservée. Nous visitons ensemble le tombeau d'un religieux chiite: la tombe est dans un écrin scintillant de miroirs, des hommes et des femmes s'y recueillent, y prient, l'embrassent. Aref nous explique que contrairement aux chiites, les sunnites n'acceptent pas la dévotion envers quiconque excepté Allah lui-même, pas même envers le prophète Mahommet.

Dans un shrine (tombeau d'un saint chiite), où le port du tchador est obligatoire pour les femmes

Aref nous conduit aussi dans des jardins très orientaux, où coulent de nombreuses fontaines, et où l'on échappe un peu au bruit et à la pollution de la ville. Dans le mausolée du poète Saadi par exemple, les familles se promènent. Un visiteur iranien chante à voix haute des vers du poète. C'est dans ce type de lieu que l'on peut le mieux sentir "l'âme iranienne", sophistiquée et sensible, modelée par 5000 ans d'histoire. Les iraniens sont fiers de leur culture si ancienne et rien ne les vexe plus que le sentiment d'être perçus comme des barbares fanatiques aux yeux des étrangers. D'ailleurs beaucoup d'iraniens nous abordent dans la rue, anxieux de savoir ce que l'on pense de leur pays. On ressent l'énorme fossé qui sépare le peuple iranien, ouvert, curieux, hospitalier, de ses dirigeants.

On cherche à se rafraîchir dans les jardins plantés de citronniers

A Shiraz nous rencontrons aussi Ali et des amis à lui, tous étudiants à l'université, avec qui nous partageons un paludeh (encore un!) sur la pelouse. Ils ont participé aux manifestations et sont maintenant résignés à patienter quatre ans jusqu'aux prochaines élections. D'ici là, la résistance et la contestation s'organise sur Internet, nous confie Ali. Pour lui, il y a un réel problème d'information (ou de désinformation) des Iraniens moins éduqués des campagnes, dont le seul média est la télévision officielle.

 

Les portraits des ayatollahs Khomeini et Khameini sont omniprésents

 

YAZD
Où nous rencontrons Shamci, Amir

Notre dernière escale iranienne est Yazd, située en plein désert. La ville est plus petite, plus religieuse et traditionnelle aussi si l'on en croit le nombre de tchadors.
Le climat difficile, le manque d'eau, ont poussé les habitants à développer d'ingénieux systèmes qui font de la vieille ville un petit bijou. Autour des maisons en pisé, s'élèvent de grandes tours appelés badgirs, ou tours des vents, qui fonctionnent comme des climatiseurs, captant le souffle du vent en altitude et le renvoyant vers le bas. Les rues sont entièrement couvertes pour protéger la ville du brûlant soleil. L'eau était initialement amenée à la ville par un ingénieux système de canaux souterrains (ou qanats) qui descendait des montagnes environnantes jusqu'à des réservoirs souterrains qui donnaient accès en ville à cette précieuse ressource maintenue fraîche. L'ancienne ville est aujourd'hui délaissée au profit de sa banlieue moderne (où la climatisation est électrique et l'adduction d'eau plus moderne). Le centre de Yazd a été classé au patrimoine mondial de l'humanité par l'UNESCO. Heureusement, nous explique Shamci, cela a attiré un peu l'attention des autorités sur l'intérêt de maintenir un tel patrimoine. Shamci est une femme formidable que nous avons rencontrée à Yazd. Nous avons passé toute une journée avec elle, son fils Amir et Tzii, un voyageur malaisien rencontré à Persepolis. Yazd possède un autre intérêt culturel: elle abrite une petite communauté de zoroastriens. Le Zoroastrisme est la première religion monothéiste, antérieure aux religions du livre. C'était la religion des perses avant qu'ils ne se convertissent à l'Islam. Les zoroastriens vénèrent les quatre éléments (le feu, la terre, l'air et l'eau). Pour ne pas souiller la terre, ils avaient coutume de ne pas enterrer leurs morts mais de les déposer en haut de tours baptisées "tours du silence" et d'attendre que les vautours nettoient les corps pour ramener les ossements. Détail macabre, un prêtre restait auprès du corps pour observer à quel oeil s'attaquaient en premier les charognards. Si c'était le droit le défunt irait au paradis, si c'était le gauche, tant pis ce serait l'enfer. A l'écart de la ville subsiste un cimetière zoroastrien. Les morts y sont désormais enterrés "conventionnellement", mais isolés dans un cercueil de béton. Deux anciennes tours du silence et des bâtiments de culte en contrebas sont laissés à l'abandon près de Yazd. Nous sommes montés, avec Shamci, Amir et Tzii, en haut de l'une des tours sous le soleil brûlant (il fait plus de 40°C). Depuis le sommet, on embrassait la ville de Yazd et l'oppressant désert. Nous apprendrons durant la suite de notre voyage qu'il existe aussi une communauté zoroastrienne en Inde qui continue à pratiquer leurs cérémonie mortuaires et utilisent encore des tours du silence. Nous visitons aussi le temple d'Ateshkadeh où brûle une flamme sacrée jamais éteinte depuis plus de 1000 ans.

Tzyy, Shamci , Pierre et Amir au pied des tours du silence

Étendue aride, depuis le sommet d'une tour du silence

L'homme-oiseau symbole du zoroastrisme


Nous discutons beaucoup avec Shamci, qui était traductrice. Elle nous conduit dans les dédales de rues couvertes de la vieille ville et nous buvons ensemble un thé dans les anciens bains. Elle nous trouve "courageux" d'être venus en Iran malgré les émeutes. Elle a vécu la révolution islamiste de 1979 qui a renversé le Shah au profit du "guide suprême", l'ayatollah Khomeini. De nombreuses arrestations, tortures et disparitions d'opposantes avaient suivi. Elle avait à cette occasion perdu plusieurs amis et des membres de sa famille. Elle nous dit avoir encore tremblé de peur lorsque son fils a manifesté à Téhéran. On perçoit tout le ressentiment de cette femme qui nous demande d'être solidaire du peuple iranien et qui espère que nos gouvernements ne soutiendront pas le sien. Nous avons avec elle l'incroyable sentiment d'aller au-delà des barrières de nos cultures respectives. Nous prenons ensemble le bus qui nous ramènera à la gare routière. Lorsque je descends, je me fais fusiller du regard par le chauffeur. Je suis descendue par la porte de devant, machinalement. J'avais oublié qu'en Iran, dans les bus, les hommes montent et s'asseyent devant et les femmes restent à l'arrière.

Autour d'un thé avec Shamci

Nous retournons à Shiraz pour prendre un avion pour l'Inde. Nous ne pouvions pas avoir de bateau au départ de Bandar Abbas avant mi août, alors nous nous sommes résolus à faire une entorse à notre projet initial de voyager sans avion. Le bus de nuit de Yazd à Shiraz nous laisse à la gare routière à 3h du matin. Le temps de marcher jusqu'au centre ville il est autre heure et nous ne trouvons pas nécessaire d'aller à l'hôtel pour si peu de temps. Nous nous asseyons près du fort, sur la pelouse, face à la boulangerie qui fabrique de longs pains plats et croustillants qui constituent notre petit déjeuner iranien favori. Décidés à atteindre l'aube et l'ouverture de la boulangerie en discutant, nous sommes dérangés dans notre projet par un groupe de quatre policiers qui patrouille dans la ville. Ils viennent nous demander que nous faisons. Nous leur expliquons que nous attendons tranquillement une heure ou deux, mais ils ne l'entendent pas de cette oreille et nous disent de regagner un hôtel au plus tôt car les rues de Shiraz ne sont pas sûres (ce que l'on a beaucoup de mal à croire). Comme nous protestons un peu ils nous proposent alors de venir dormir au poste de police. Nous refusons poliment, n'ayant que peu envie de "tâter la paille humide du cachot" iranien... Nous nous rendons donc à l'hôtel où nous avions laissé nos vélos, suivis de près par la voiture de police. L'hôtel est fermé, une chaîne et un cadenas sur la porte. Nous avons un plan B, aller nous reposer à la mosquée du bazar, sur les épais tapis, en toute sécurité (c'est un voyageur espagnol qui nous a appris que c'est ce qu'il y a de mieux à faire lorsque l'on arrive de nuit dans une ville), mais les policiers ne nous lâchent pas d'une semelle. Ils iront jusqu'à tambouriner à la porte de l'hôtel, réveillant le veilleur pour qu'il nous fasse rentrer.

Notre dernier soir à Shiraz Aref nous invite au restaurant. Il nous confie qu'il viendrait volontiers visiter l'Inde avec nous s'il n'avait pas un enfant en bas âge. Et il nous demande de l'appeler lorsque nous seront à l'aéroport pour être sûrs que tout s'est bien passé. Nous avons trouvé un vrai grand frère iranien.