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Sicile automnale

Du 6 au 14 novembre,

Lorsque nous débarquons du "Maria Dolorosa", il fait nuit noire. Nous parcourons une trentaine de kilomètres avant de trouver un bivouac caché dans les herbes hautes. Nous apprécions de pédaler enveloppés dans les ténèbres, bercés par les "tuts" des crapauds. Le lendemain, tout est humide, brrr... Nous profiterons de la chaleur de la mi journée pour faire sécher la tente. Nous longeons la côte sud de la Sicile, et sommes séduits par les paysages de bord de mer. Il y a de l'espace. Les villes ne sont pas aussi charmantes qu'à Malte mais les grèves sont bien plus agréables. Ici, la ville s'ouvre sur une grande plage de sable, plus loin, la nature sauvage vient lécher une plage de galets, et là, de petites falaises stratifiées dominent les vagues. En chemin, nous faisons une halte dans la petite réserve du fleuve Irminio. Une adorable petite dame nous accompagne jusqu'à l'embouchure du fleuve en nous montrant les lentisques, les artemis, les faux oliviers et en nous parlant de leurs propriétés médicinales. Elle nous raconte que les romains remontaient ce fleuve avec leurs navires.
 
 
Embouchure du fleuve Irminio
 
 
 
Bord de mer dans la réserve

 
Nous continuons ensuite jusqu'à Marina di Ragusa où nous dégustons un délicieux pique nique de pain, fromage et jambon italien, au soleil face à la mer. Quel plaisir de retrouver la charcuterie et le fromage! Il nous manquait juste un peu de vin...
 
 
Pique nique face à la mer pendant que la tente sèche

 
Le soir, nous arrivons à Raguse et sommes reçus par Giovanni, un hôte couchsurfer. Il nous entraine dans une petite salle prêtée par l'église où des membres de l'association culturelle dont il fait parti sont en train de mettre en place une petite expo de peintures et de photos et où, à 21h, est prévu un concert de rock. Et oui, du rock dans une chapelle! Pour rester omniprésente, l'église sait s'adapter en Sicile.
 
 
Petit concert de rock dans une maison du Seigneur

 
Giovanni travaille dans un laboratoire d'analyses médicales, il vit en colloc avec un ami et sa sœur, Milena. Au petit déjeuner, autour d'un café italien "ristretto", bien serré, sorti d'une de leurs traditionnelles cafetières en alu, Milena nous explique qu'elle vient de finir ses études et qu'elle va aller passer une année de service civil européen en Roumanie pour encadrer des enfants de zones déshéritées.
 
 
Alessandro le coloc, Giovani et Milena

 
Dehors, averses et éclaircie alternent. Profitant d'une éclaircie, nous prenons la route mais juste à la sortie de la ville, une violente averse de pluie et de grêle nous oblige à nous réfugier dans une station service. Ce jeu de cache cache avec les éléments sera notre lot quotidien en Sicile.
 
 
Quand il pleut, c'est pour de vrai
 
 
A la nuit tombée, nous atteignons Gela. Les français d'"A fleur de monde", que nous avons rencontrés dans l'Himalaya, nous ont dit qu'en Italie en hiver, ils demandaient l'hospitalité aux prêtres et que très souvent, ils leur accordaient. Nous tentons de les imiter. Le curé de la petite église de quartier à qui nous demandons s'il peut héberger les deux voyageurs que nous sommes nous répond poliment qu'il n'offre pas ce genre de service. Nous arrivons alors au centre-ville sur le parvis de la grande église, la messe est en train de s'y dérouler. Nous attendons patiemment la fin. Une fois l'office terminé, le prêtre est sans cesse sollicité par des fidèles et ensuite, il enchaine sur une bénédiction. Las d'attendre devant l'église, nous reprenons nos vélos et allons bivouaquer à l'extérieur de la ville. On réessayera!

Le lendemain, nous continuons notre route à proximité de la côte jusqu'à Agrigento, ville que se sont disputés les Romains et les Carthaginois lors des guerres puniques et où il reste des temples majestueux. De la pluie est prévue pour le lendemain, pas question de camper. Nous n'avons pas non plus le courage de faire la tournée des églises... Nous dénichons une charmante chambre d'hôte sous les toits, dans le centre historique. Le lendemain, la pluie est au rendez vous, nous restons dans notre nid douillet.
 
 
Temple d'Agrigento

 
 
Jour de pluie à Agrigento
 
Le jour suivant, nous partons sous de gros nuages menaçants qui, une fois de plus, nous arrosent copieusement peu de temps après notre départ. Trempés, nous trouvons refuge sous un porche et nous nous demandons si nous n'allons pas rebrousser chemin et repartir prendre le train à Agrigento. Garés devant le bâtiment sans prétention (un négoce d'huile d'olive) qui nous abrite, quatre grosses berlines luxueuses. Alors que nous nous faisons chauffer un thé pour nous réchauffer, un jeune monte dans une Jaguar pour nous observer puis retourne dans le bâtiment. Louche... Miraculeusement, le ciel se dégage complètement. Nous décidons de repartir. A ce moment là, un "vieux beau", visiblement propriétaire de la Jaguar sort et nous offre... une glace! Ils sont étranges ces siciliens! Que se passait il dans le bâtiment, nous le saurons jamais.
 
 
 
Thé chaud devant les berlines
 
Nous roulons dans une campagne vallonnés entre les champs cultivés et les prairies où paissent chèvres et moutons. Ce soir là, arrivés dans un petit vallon, presque secret, nous empruntons un  chemin de terre pour aller explorer une cabane abandonnée qui pourrait nous servir d'abri pour la nuit froide qui s'annonce. La pièce est remplie de pierres et de détritus, elle ne convient pas. Nous repartons vers la route. C'est là que se referme le piège sicilien: peu à peu la glaise du chemin remplit nos garde boues, s'agglutine et finit par bloquer complètement nos vélos. Pas d'autre solution pour retrouver notre mobilité que de démonter les quatre roues et curer tout ça. Il fait nuit, la situation est mal engagée. Heureusement notre bonne étoile veille sur nous, nous croisions un berger et son ami qui rentrent dormir chez eux dans la ville d'à côté et nous proposent, vu notre situation, de passer la nuit dans leur cabane. Ils sont adorables ces deux compères. Un des bergers, à l'accent sicilien prononcé, fait visiter les lieux à Anne-Marie et lui explique qu'en partant le lendemain, il suffira de laisser la clef sur la porte. Sans façons il nous invite si l'on a faim à manger les oeufs frais qui sont sur la table et étale pour nous faire un oreiller deux de ses vestes sur le lit. Il faudrait réecrire la chanson pour l'Auvergnat de Brassens en italien. Nous sommes comme des rois sous les poutres de cette pièce meublée simplement. 
 
 
Dans notre cabane douillette

 
Le lendemain, nous curons tranquillement nos gardes-boue. Alors que nous avons presque fini, un cycliste  nous propose son aide. Nous avons croisé beaucoup d'Italiens à vélo. Ils affectionnent ce sport et comme tout bons Italiens qui se respectent, ils ont toujours le look adapté : lunettes, collant, petits gants et j'en passe. Ils ne manquent jamais de nous saluer d'un chaleureux "ciao".
 
L'objectif de la journée est la ville de Corleone, c'est autant la jolie route (verte sur la carte Michelin) que le nom qui nous a donné envie d'y passer. Peut-être allons nous y croiser le "parrain" de Coppola? Vu la fraicheur des nuits (la température descend sous les 5°C) et vu que nous avons renvoyé notre duvet performant en France, nous relançons l'opération "hébergement catholique". Première église, échec. Nous apprenons que le prêtre vit à 20km de là et qu'il est rentré chez lui depuis belle lurette. 2ème église, échec. Le prêtre de la cathédrale est bien trop class pour recevoir des routards boueux comme nous, mais les jeunes qui nous ont mené jusqu'à lui nous suggèrent une autre église où le prêtre s'occupe de scouts. Alléluia! Il nous ouvre une salle dans un pavillon proche de l'église sans même nous poser de questions. Nous étalons nos tapis de sol sur le carrelage, entre les tables pour enfants, les dessins et les armures en carton des scouts, heureux de passer la nuit au chaud.
 
 
Scout toujours!
 
 
Campagne après Corleone

 
Le lendemain, nous filons vers Palerme. Nous traversons de grands champs d'arbres à kaki qui croulent sous les fruits oranges. Nous en faisons des "orgies" à chaque pique-nique. Nous avons connu la Sicile automnale, celle de la pluie, de la récolte des olives, des pommes et des kakis. 
A postériori, nous regrettons de n'avoir passé qu'une courte nuit à Palerme qui aurait mérité plus d'égards; mais déjà, nous sommes sur un autre ferry qui contourne la Sicile et s'apprête à traverser vers l'Afrique.
 
 
Gym sur le "sun deck", au revoir la Sicile