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Bakchich, maroufle, trafic et compagnie

30 au 31 décembre,

Toujours dans notre camion en cette fin d'année 2009. La frontière marocaine est passée après de longues formalités et une fouille approfondie. Les douaniers ont même visité nos sacoches, ils en ont extrait quelques instruments suspects comme notre filtre à eau mais, nous estimant inoffensifs, se sont vite lassés et ont tout laissé en bazar. Nous traversons désormais le Sahara occidental par la route côtière.

 
 
Carte du Sahara occidental

Quelques mots sur ce territoire controversé: cette vaste zone désertique (d'une surface presque aussi grande que l'Italie) est une ancienne colonie espagnole appelée à l'époque Sahara espagnol. En 1975 les espagnols commencent à se retirer et les accords de Madrid entérinent un partage du Sahara espagnol entre le Maroc et la Mauritanie. Cette décision est contestée par la résistance locale menée par le front Polisario, mouvement politique indépendantiste Sahraoui, soutenu par l'Algérie qui n'a pas digéré la perte d'un territoire auparavant sous sa domination. Le statut de cette zone n'a toujours pas été reconnu plus de trente ans après le retrait des espagnols. Pour l'ONU, c'est un territoire non autonome. Le Maroc le considère comme son territoire en propre et l'appelle Sahara marocain, il en contrôle et en administre la majeure partie Ouest, tandis que le front polisario contrôle 20% en partie Est. Les deux parties sont séparées par un mur de sable et un champ de mines. Une partie des Sahraouis sont réfugiés dans des camps en Algérie. Le Sahara occidental est un territoire convoité car il possède un sous-sol très riche en phosphate et certainement beaucoup d'autres ressources stratégiques (fer, cuivre, nickel, uranium voire pétrole) encore non exploitées du fait de l'instabilité politique.

En tout cas, vu de la route, le Sahara occidental est plutôt désespérant de monotonie; parfois un point de vue sur la mer ou un chameau qui traverse égaient cette longue bande d'asphalte brûlante. Notre chauffeur fume clopes sur clopes. Comment fait-il pour tenir? On a appris par notre collègue voyageur que les chauffeurs étaient payés 200€ par trajet Maroc/Mauritanie, un trajet de 6 jours qu'ils font 4 fois par mois. Le transport de voyageurs additionnels, et sans doute d'autres trafics, permettent d'arrondir leur salaire. A partir de l'après midi il conduit quasiment non stop jusqu'à 3 heures du matin, où nous atteignons Laayoune. C'est là que Fatima descend.


 
Route à travers désert. On est bien contents de ne pas la faire en vélo!

Nous sommes arrêtés dans une station service, notre chauffeur nous dit que nous nous reposons une petite heure avant de repartir. Nous l'attendons donc dans le camion, pendant qu'il va au café. Finalement, au bout d'une heure il revient nous dire que nous passerons la fin de la nuit ici et repartirons à 7 heures, ça me rassure qu'il préfère se reposer un peu. Nous nous installons donc pour piquer un roupillon, Pierre s'allonge sur la couchette à l'arrière et je m'allonge à l'avant en me contorsionnant pour éviter le levier de vitesse. Alors que nous somnolons, un rustaud vêtu d'une djellabah en feutre avec une capuche pointu, pénètre a grand fracas dans le camion. A coups de coudes et en paroles arabes peu amènes (même si on ne les comprend pas), il vire violemment Pierre de la banquette pour s'y installer et se mettre à ronfler instantanément. Surpris par cette visite et ce traitement, nous sortons du camion. Où est passé le chauffeur? Où est-on censés dormir? Tout est désert et glauque dans la station service et aucun endroit pour s'allonger. Nous regagnons le camion et nous installons sur les sièges avant où nous finissons par nous endormir. A 7 heures l'homme à la djellabah dort toujours. On va prendre un café au lait dans le bar de la station. En revenant au camion, on se rend compte que le chauffeur a dormi dans la remorque et que le maroufle à la djellabah n'est autre que le propriétaire du camion. Maintenant que Fatima est partie, il va, comble de misère, continuer le voyage avec nous! On part à finalement à 8H30, mais au lieu de prendre la route, nos deux compères, le chauffeur et son patron, s'enfoncent dans la ville et s'arrêtent prendre un café. Nous attendons dans le camion, il est maintenant 10 heures et nous ne sommes toujours pas repartis. Ils se sont arrêtés dans une nouvelle station service et ils trafiquent le réservoir. Que front ils? Que transportent-t-ils dans ce réservoir qu'ils ont rajouté à la frontière marocaine? On commence à s'impatienter et à s'énerver d'être ainsi trimbalés. On trouve quelqu'un pour leur traduire notre agacement en arabe: on était censés être déjà arrivés à Tiznit et nous sommes toujours à Laayoune, à 500 km de là. Nous les menaçons donc de ne pas leur payer l'autre moitié du prix du trajet (on a eu la bonne idée de ne pas tout payer d'avance malgré leur demande insistante). Ils grommèlent et finalement nous repartons avec eux vers 1h de l'après midi. Maintenant nous sommes tous les deux sur la banquette arrière. Ils tirent les rideaux et nous demandent de nous cacher aux barrages policiers. On comprend que le bakchich à donner est moins élevé si les policiers ne voient pas de passagers. Vers 19h nous atteignons Guelmim, il reste 100km jusqu'à Tiznit mais on n'a pas envie de passer la soirée du réveillon dans le camion et et on on leur demande de nous arrêter là.
Ouf! On est sortis. Le 31 au soir nous sommes à la porte du Sahara occidental.

 

 
On aurait aussi pu traverser en chameaux...