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BULGARIE

Bulgarie

Du 7 au 18 mai,

Nous arrivons en Bulgarie à la tombée du jour. C'est un joli début: depuis le champs où nous bivouaquons nous pouvons observer le coucher de soleil dans la vallée Serbe et un lever de lune à l'Est vers la Bulgarie. Les lilas embaument notre tente pour un soir.
La route la plus directe qui mène à Sofia nous a été déconseillée. C'est l'axe principal qui relie la Bulgarie à la Serbie, la circulation doit y être infernale. Nous décidons donc de faire un petit détour pour pénétrer par le Nord et par une route plus "modeste" dans la capitale Bulgare. Notre carte nous indique 14 km jusqu'à Godec, un panneau nous en indique 25... Notre carte de la Bulgarie - achetée dans une station service serbe- est inexacte, nous aurons plusieurs occasions de le constater; les panneaux bulgare le sont aussi. Au bout de 20 kilomètres nous atteignons Godec. Le contact avec les bulgares nous semble plus difficile à établir, moins de bonjours spontanés comme nous avions l'habitude en Serbie et parfois aucune réponse à nos saluts. Nous poursuivons notre route qui sillonne les champs où paissent les troupeaux. En fin de journée nous gravissons une colline qui nous offre une vue panoramique sur Sofia sur un fond de montagnes enneigées. Nous dormons tout en haut de la colline, le sol est en pente et pierreux, le confort n'est pas garanti, mais nous sommes entourés de buissons de lilas et la vue ferait tout oublier.
 

 Vue sur Sofia près de notre bivouac.
 
Nous arrivons en fin de matinée à Sofia, l'entrée dans les grandes villes n'est jamais très agréable. Nous croisons un américain à vélo qui nous dit qu'il loge dans hostel très sympa et nous propose de nous y amener. Nous déclinons l'invitation car nous avions pris contact avec plusieurs personnes susceptibles de nous héberger via le site couchsurfing. Le couchsurfing c'est une très jolie idée qui permet de mettre en relation via Internet des voyageurs et des locaux souhaitant pratiquer l'hospitalité. C'était notre première expérience de couchsurfers, nous sommes un peu déçus car nous comprenons que la seule personne qui nous avait répondu positivement est finalement plutôt embêtée de nous héberger, elle a un autre plan pour la soirée; aussi, nous préférons repartir chercher un hostel. Chemin faisant, nous recroisons notre cycliste américain qui nous dit avoir rendez-vous avec Sonia, une Bulgare qui adore les cyclos. On lui avait dit, en Turquie, qu'il fallait absolument la contacter s'il passait par Sofia. Il nous propose de venir avec lui. C'est devant la cathédrale Alexandre Nevski, dont les toits dorés, si merveilleusement orientaux, luisent sous la douce lumière rasante du soir, égayée par un concert que nous faisons de belles rencontres. Quatre apparitions, il y a d'abord Ronny, l'américain que nous avons rencontré par hasard, Sonia et Nivina, deux fées bulgares incroyablement hospitalières et Lockie, un voyageur australien. Sur le parvis de la cathédrale, Sonia et Nivina organisent vivement notre hébergement, elles veulent toutes les deux que l'on vienne dormir chez elles. Finalement, nous irons le premier soir chez Nivina et le second chez Sonia.
 
Ronnie, l'Américain, Nivina et Sonia, les fées, Lockie, l'Australien et les boucles.
 
Nous partons alors boire un coup dans un sympathique café de Sofia. Un premier verre dans l'agréable cour intérieure puis un second dans le café où l'ambiance ressemble à celle d'un pub. Nous en apprenons un peu plus les uns sur les autres. Lockie a pris il y a cinq ans un vol depuis l'Australie vers la Chine où il a commencé son voyage à vélo. Depuis il a sillonné bon nombre de pays. Il respire la sérénité, la confiance. Je me demande si c'est le voyage qui lui a donné ce calme. De plus, c'est une mine de renseignement pour nous.
 
Ronnie
 
Ronnie lui, après un différent avec ses parents a quitté sa famille et s'est engagé dans l'armée quand il avait 19 ans, il a été envoyé en Irak où il a été blessé par un tir de lance rocket. Il est resté quelques jours dans le coma, a été opéré, on lui a enlevé la moitié d'un poumon. Il a ensuite travaillé comme vendeur de moto, il a acheté une maison et menait une vie dissolue qui apparemment ne lui convenait pas. Il a tout vendu pour acheter un bateau et participer à une course. En se rendant sur le départ, son bateau à chaviré, il a été recueilli par un cargo qui l'a déposé en Chine où il a commencé son périple à vélo. Il a maintenant 24 ans et est en route vers Londres où il compte prendre un vol pour la côte est des États Unis pour finir son parcours en traversant son pays. Pour plus de détails et peut être plus d'exactitude, voilà son site www.openbluehorizon.com. Nos deux fées maintenant, Sonia, une trentaine d'années, travaille pour l'armée ce qui l'a fait régulièrement changer de résidence. Il y a trois ans, elle était à Izmir en Turquie et en juillet, elle sera à Bruxelles. Elle vit avec son fils Val, une douzaine d'année, pétillant d'intelligence et de malice avec lequel nous avons joué au mikado un soir. Son mari, qui lui aussi travaille pour l'armée, est en ce moment à Bagdad. Sonia se déplace toujours en vélo dans Sofia, et a aussi fait de nombreux voyages cyclistes.
 
Lockie et Sonia
 
Nivina, chez qui nous allons dormir ce soir travaille dans une banque. C'est une petite blonde ronde et coquette.  Elle nous amène dans son appartement, dans une grande barre à l'écart du centre ville que sa mère a acheté pour elle. Nous dormons sur un canapé lit rouge vif. Le lendemain, elle nous prépare un solide petit déjeuner salé : œufs brouillés jambon et salade. Nous n'en revenons pas se tant d'hospitalité de façon si spontanée. C'est dimanche et nous rejoignons Sonia, Lockie et Ronnie pour une visite de la ville à vélo.
 
Fontaines d'eau minérale chaudes à Sofia.
Cathédrale Alexandre Nevski
 
Nous passons de nombreux moment à échanger tout les quatre et avec les nombreuses connaissances de nos hôtes qui apparaissent et disparaissent au fil de nos pauses. Nous croisons notamment un Tanzanien, en Bulgarie depuis plus de dix ans qui travaille dans le cinéma; rencontre fugace mais intense. Sonia fait graviter autour d'elle un nombre incroyable de personnes venus de tous horizons. L'ambiance est très relaxante.
 
Les boucles, Ronnie, Val, le Tanzanien, Lockie et Sonia.
 
Nous nous quittons le lundi matin au petit déjeuner, Sonia part travailler et les deux autres voyageurs restent se reposer une journée supplémentaire. Nous enfourchons nos vélos le cœur gros.
La sortie de Sofia nous prend une demi journée. Pour prendre la petite route au Sud, qui va vers Samokov et les montagnes, nous sommes obligés de passer par quelques bien trop longs décamètres d'autoroute! Le stress et la poussière. Je rêve d'un monde où les urbanistes prévoiraient des voies vertes pour que  les non motorisés puissent rentrer, en toute tranquillité  au cœur des cités. Ainsi, nous bivouaquons pas si loin de Sofia.
 
Samokov
 
Le lendemain, nous suivons une petite route de montagne et nous passons un lac. Au loin les sommets enneigés culminent à près de 3000 mètres. Nous bifurquons ensuite pour reprendre l'ancienne route qui mène à Plovdiv par la plaine. La route est si bonne que nous dépassons cent kilomètres. En fin de journée nous sommes pris sous un orage. Par chance, ce soir là, nous trouvons un squat de rêve: le local d'un camping désaffecté, propre et au sec! Au matin un petit couple d'hirondelles fait son nid dans la pièce où nous dormons. Charmant ballet.
 
Squat de charme
 
C'est à près de 20km/h que nous effectuons les 60 km qui nous séparent de Plovdiv où nous  avons rendez-vous avec Srebrin. C'est un jeune chef d'entreprise à l'américaine qui arrive à son boulot pas avant 14h et rentre chez lui souvent bien après minuit. Il est à la tête d'une vingtaine de personnes avec les lesquelles il développe deux sites internet très différents: l'un met à disposition des ressources pour les étudiants bulgares et l'autre est un site de rencontres semblable à "meetic". Il nous fait part de ses préoccupations de "patron". Il nous explique qu'il essaye de placer ses employés dans un environnement créatif en les entourant de plantes par exemple. Le premier soir, en rentrant, vers minuit, il nous dit qu'il a passé sa soirée de boulot à faire des plantations. De notre côté, ne sachant pas qu'il allait rentrer si tard, nous avons passé notre soirée à l'attendre en pensant que nous mangerions tous les trois, pas si facile de s'habituer aux style de vie de nos hôtes... Nous avons passé avec lui deux soirées de discussions très intéressantes. On sent, à sa façon de parler, que c'est un chef, volubile qui à l'habitude d'être écouté. Il est ouvert, adore voyager. Son voyage en Inde l'a beaucoup marqué. Parmi ses projets, il voudrait construire un immeuble de bureaux tout en verre: murs, plafonds et planchers. Ainsi tout le le monde verrait ses voisins travailler personne ne se permettrait de glander. Cet immeuble révolutionnaire serait un bâtiment à ne pas manquer quand on viendrait à Plovdiv. Il souhaiterait permettre à des jeunes de voyager, meilleure façon, selon lui, de leur ôter la peur de l'autre. C'est dans cet esprit qu'il pratique le couchsurfing.
 
Couch surfing chez Srebrin à Plovdiv.
 
La journée que nous passons à Plovdiv est bien entamée par "l'intendance" (lessive et courses) mais nous prenons un peu de temps pour visiter la vieille ville. PLovdiv est une ville très ancienne, plus ancienne que Rome, Athènes ou Constantinople... D'abord mycéenne (ancêtre des grecs), elle fût ensuite conquise par Philippe II de Macédoine et renommée Philippopolis. Elle devient ensuite romaine et s'orna de bâtiments dont certains sont très bien conservés, tels son théâtre ou son stade -dont on ne voit qu'une petite partie, le reste étant recouvert par l'avenue commerciale de la ville (aussi appelé "vanity street"). Plovdiv nous fait l'effet d'une province chic; les jeunes habillés à la dernière mode qui arpentent le centre ville nous rappellent Aix en Provence.
Au coin d'une rue nous retrouvons la trace du poète français Lamartine que nous avions perdue à Nis en Serbie. Une plaque commémorative indique "dans cette maison Lamartine a reçu l'hospitalité". Couchsurfer bien avant nous, décidément, nous sommes sur ses talons...
 
Maison où Lamartine a été accueilli

Juste pour le plaisir voici un petit bout de son poème le plus fameux, le Lac, évocation romantique de la fuite du temps, que nous avons relu à cette occasion:
    "Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages,
    Dans la nuit éternelle emportés sans retour,
    Ne pourrons-nous jamais sur l'océan des âges
    Jeter l'ancre un seul jour ? [...]
   
    Aimons donc, aimons donc ! de l’heure fugitive,
    Hâtons-nous, jouissons !
    L’homme n’a point de port, le temps n’a point de rive ;
    Il coule, et nous passons !"


Déjà nous repartons, 90km de route plate nous séparent de Stara Zagora. C'est une étape à priori facile que nous comptons faire en une journée, mais fatigués nous nous arrêtons au bout de 60 km. Nous n'avions pas prévu la forte chaleur s'accompagnant d'un vent de face qui a réduit sensiblement notre allure. Nous décidons d'adopter une nouvelle stratégie, de nous lever plus tôt, de pédaler le matin et en soirée et de nous reposer aux heures les plus chaudes de la journée.

Dans toute la Bulgarie (comme d'ailleurs aussi en Serbie) des voitures à cheval sont encore utilisées par les paysans pour se déplacer en famille, amener leur récoltes... Certains chevaux ont le front orné de magnifiques pompons rouges. Sur les routes il n'est pas rare de voir un panneau d'interdiction de ces charrettes. Malgré cela elles sont nombreuses à traverser, souvent périlleusement, les grandes voies de circulation pour se rendre d'un champs à un autre ou pénétrer dans les agglomérations, pour rejoindre les marchés. A Stara Zagora nous sommes même témoins d'un accident, heureusement sans conséquence: la voiture à cheval qui pénétrait dans la ville par le boulevard a été percutée par l'arrière par un véhicule qui n'a  d'ailleurs pas pris la peine de s'arrêter.
 
Dans une rue de Lesovo
 
Au bivouac nous nous apercevons que nos matelas gonflables sont quasiment à plat au matin. Ils ont sans doute été percés par quelques ronces. Notre confort en est un peu réduit. La route jusqu'à Topolovgrad est bonne et peu fréquentée mais assez monotone; des champs de blé s'étendent à perte de vue. De Topolovgrad jusqu'à la frontière turque le paysage devient un peu plus vallonné.
 
Kavarma, spécialité bulgare car pédaler, ça creuse!
 
Nous dépensons nos derniers leva bulgares pour l'achat d'une bouteille de vin rouge "Mavrud", cépage inconnu en France, comme nous l'a conseillé Julie. Elle nous permettra de célébrer notre passage en Turquie.  Une haie de coquelicots salue notre départ de Bulgarie et sur la route nous trouvons moins rapide que nous: une placide tortue. Après les fleurs et les animaux inoffensifs il nous faut faire face aux douaniers. Tout se passe bien, on leur certifie que l'on ne transporte pas plus de 10000 euros sur nous ce qu'ils n'ont pas de mal à croire vue notre style! Nous passons devant une file ininterrompue de camions qui attendent je ne sais combien d'heures pour pouvoir passer et présentons notre passeport tamponné par la police turque bras tendu à un douanier qui est dans une cahute située à un mètre de hauteur. C'est une frontière pour les camions de marchandises et pas pour les vélos! Nous nous attirons quelques commentaires amusés et bienveillants. Ça y est nous sommes en Turquie!

 Sur le bord de la route, juste avant la Turquie.