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TURQUIE

Quelques tours de roues en Cappadoce

Du 22 au 25 juin,

Nous arrivons en bus à 6h30 du matin à Nevsehir. Pas très réveillés, nous nous apercevons, au moment où le bus redémarre, qu'une de nos sacoches est restée dans la soute. Pierre court après le bus, en vain. Notre réchaud et notre matériel pour réparer nos vélos s'éloignent sans s'arrêter. Nous les croyons perdus, mais finalement nous sommes seulement quittes pour trois heures d'attente, jusqu'à que le bus repasse dans l'autre sens.

Nous commençons à pédaler vers onze heures. Par rapport à la côte méditerranéenne, nous avons pris de l'altitude (environ 1200m) et la température est tout à fait supportable même en pleine journée. Quel plaisir! Nous nous arrêtons manger dans une petite échoppe qui ne fait que des kébabs comme ceux que l'on a l'habitude de voir en France : les fines lamelles de viande qui rôtissent sur une broche verticale. En effet, en Turquie, la plupart du temps, "kébab" désigne une viande hachée épicée grillée sur une brochette. Nous sommes reçus par un Turc très amical qui parle français. Nous décidons, non sans une petite appréhension de lui confier nos vélos pendant que nous visitons la ville souterraine de Kaymakli. C'est un réseau impressionnant de galeries s'ouvrant sur de nombreuses pièces, creusé à même la roche et utilisé comme cachette entre le VIème et le IXème siècle par les chrétiens. Cette ville souterraine ne compte pas moins de sept étages en profondeur, claustrophobes s'abstenir. Les pièces ont de nombreuses ouvertures sur différents couloirs qui s'entrecroisent, c'est labyrinthique et très ludique! Après notre visite, nous retrouvons notre monture qui nous a sagement attendue plus ou moins surveillée par notre ami turc qui en en l'occurrence, n'était plus là!
 
 
Ville souterraine de Kaymakli
 
Après quelque dizaines de kilomètres, nous plantons notre tente en toute hâte. Derrière nous, les rideaux de pluie d'un orage se rapprochent rapidement. Nous nous mettons à l'abri juste à temps et laissons passer la tourmente qui s'effacera pour un magnifique coucher de soleil.
 
 Après la pluie le beau temps.
 
Le lendemain matin, notre route descend dans un large canyon surplombé de chaque côté par des falaises  à la base desquelles se nichent des habitations troglodytes.
 

Canyon avant  Bascoy
 
Suivant les conseil de Jérôme, ami météo qui a parcouru la Turquie, nous nous enfonçons dans la petite vallée de Soganli. Des villages entiers sont taillés dans la roche. Certaines églises sont directement creusées dans des cheminées de fées, on peut encore y admirer des fresques du IXème et XIième siècle.
 
Domed church
 
Bon appétit bien sûr!
 

Nous ne sommes pas les premiers à visiter le site!
 
C'est un grand plaisir d'arpenter la vallée en vélos, en s'arrêtant grimper dans les différents petites chapelles cachées dans la falaise. Nous repartons de la vallée en début d'après midi. Après une côte qui nous échauffe les mollets, nous sortons du canyon pour nous retrouver sur un plateau dont la beauté est à couper le souffle; la lumière éclatante met en évidence tous les plans du paysage : une multitude d'espèces de fleurs jalonnent la route, les champs ont des tons qui se marient harmonieusement avec l'azur parsemé de cumulus et crevé par des cimes enneigées. Pédalant seuls dans ce décor, nous entendons couiner des chiens de prairie qui s'échappent à notre approche et apercevons furtivement un renard au pelage argenté.
 
  Nuage vert
 
De la beauté sur un plateau
 
 
Le lendemain, nous nous mettons en route à l'aube pour profiter de la lumière du matin sur les formations géologiques de Cappadoce. Le sous sol est composé de tuf - roche volcanique qui s'érode facilement - recouvert par une couche de basalte bien plus dure. L'eau des cours d'eau qui au fil du temps à  réussi à percer le basalte s'est ensuite facilement enfoncée dans le tuf creusant dans le plateau de Cappadoce de larges canyons. Ils sont souvent bordés par des cheminées coiffées d'un joli chapeau de basalte que l'eau n'est pas parvenu à éroder. De la même façon, c'est dans le tuf que l'homme a creusé ses habitations troglodytes et ses villes souterraines.
 
Cheminée coiffée, il est tenace le bout de basalte!
 
Paysage de Cappadoce
 
Nous arrivons au petit jour à Urgüp, une ville de taille moyenne qui s'est développée autours d'anciennes habitations troglodytes. La cité est endormie et nous faisons le mur d'un café panoramique encore fermé pour profiter en douce du paysage éclairé par la lumière matinale.
 
Nous filons ensuite vers Kayseri. Nous avalons 90 km en une matinée, grande forme!
Nous sommes agréablement surpris par les nombreux vélos qui circulent dans la ville, c'est rare en Turquie, et avec en arrière plan le mont Ercieyes enneigé, cette ville nous rappelle Grenoble.
Nous y rencontrons plusieurs étudiants, l'un nous guide de magasins de vélos en magasins de vélos, à la recherche vaine d'une burette d'huile, l'autre, étudiant en droit qui a pour ambition de devenir président de la Turquie, nous fait visiter le caravanserail de la ville et nous présente son voisin, qui était aussi son professeur de langue. Ce dernier, professeur à la retraite, reconverti dans la restauration de tapis nous explique autours d'un thé ce qu'il faut savoir sur Kayseri en trois points.
n°1 La montagne, ils sont très fiers de faire du ski  sur les pentes du volcan Ercieyes, qui culmine à près de 4000 mètres.
n°2 Les spécialités culinaires, et en particulier la fameuse saucisse dénommée "pastirma". C'est bien sur une saucisse sans porc, faite à base de viande de bœuf, pressée, séchée puis enrobée d'épices. On a gouté pour notre pique nique du soir et  ça ne vaut pas un bon chorizo, loin de là.
n°3 Last but not least, les tapis. Notre hôte nous explique en détail la signification symbolique des motifs (des arbres, des rivières, des champs, des villages), les différents styles de tapis selon les régions et les usages, l'obtention naturelle des couleurs... Évidement il serait très content si on en ramenait un... on y pensait pour remplacer nos tapis de sol justement...
 
Nous prenons le soir un bus de nuit en direction de Diyarbakir.
 
 
 
 

Grimpe à Olympos

Du 14 au 21 juin,

Olympos: une semaine de vacances et d'escalade entre amis, que c'est bon!

Au début nous sommes un peu surpris par le site d'Olympos, entièrement consacré au tourisme. Un tourisme de 'djeuns' ou de routards. Des campings ou bungalows de bois, des boîtes...Nous avons élu domicile pour la semaine chez Kadir Tree House, un grand complexe de bungalow en bois à l'ambiance très internationale où nous sommes en demi pension. Pour nous c'est le grand luxe, douche, lit confortable, petit dej et repas bons et copieux. En contrepartie il faut supporter la musique jusqu'à 4h du matin...

Maisons de bois de Kadir

Sans contraintes nous pouvons à loisir nous adonner à la grimpe! Waouh! Olympos compte plusieurs petits sites, qui suffisent amplement pour bien nous occuper pendant une semaine. L'escalade est variée, nous alternons de la dalle, du 'gros bras', des colonnettes...

Sophie dans la dalle du secteur Cirali/ Vue du secteur Kabe de Cirali

 

Pierre et Cyrille grimpent dans le secteur Orange

Cyrille passe une 7a

Après l'escalade le réconfort, nous partageons des gözlemes (crêpes turques), des pâtisseries. Nous nous baignons dans un cadre superbe.

Ipek Pastanesi, où l'on déguste de délicieuses pâtisseries orientales...

Merci encore Sophie et Cyrille pour cette belle semaine de vacances et pour tous les services que vous nous avez rendus (réapprovisionnement en livres, récupération de notre matériel d'escalade,...). Nous nous sommes sentis tout seuls quand vous êtes partis.

Tout au long de la semaine nous avons suivis l'actualité iranienne : les manifestations violentes qui ont lieu dans le pays suite  la réélection contestée du très conservateur Ahmadinejad nous font nous poser des questions sur la suite de notre voyage.

Nous repartons à vélos mais nous arrêtons avant Antalya dans la station balnéaire de Kemer où nous réservons un bus de nuit en direction de la Cappadoce. Toute le journée, nous observons une autre forme de tourisme sur la côte méditerranéenne, le tourisme de luxe en hôtel club où tout semblent compris. Sur environ 7km de côte, les hôtels quatre étoiles minimum se succèdent sans interruption et sans aucune harmonie. Quand enfin nous atteignons une plage publique quelle déception, elle est sale et laissée à l'abandon. Pour avoir droit à un bout de plage propre, il faut loger dans un hôtel. Comment font les habitants de Kemer?

La journée est aussi l'occasion de dénicher un petit garage où l'on nous usine spécialement une petite pièce de métal qui s'était cassée sur un porte bagage avant.

 

Challenge " Plastic tomates"

Du 12 au 14 juin,

Comme nous en avons pris l'habitude pendant notre semaine à Pastoral Vadi, nous nous levons à 5h45 pour pédaler "à la fraîche". Nous quittons Eray et Askin avec un petit pincement au cœur et le sentiment d'interrompre une relation d'amitié qui en d'autres circonstances aurait pu se développer. Malheureusement, c'est un sentiment récurent pendant le voyage.

C'est parti pour 260km en trois jours, nous devons être à Olympos dimanche pour retrouver Cyrille et Sophie. C'est pour nous un petit challenge.

Nous faisons un premier arrêt à Fethiye pour un petit déjeuner de crêpe et de jus d'orange pressées devant nous, au même endroit que la semaine précédente. Nous en profitons pour aller observer des tombes lyciennes, monuments creusés à même la falaise quatre siècles avant J-C.
 
 Tombe lycienne de Fethiye.

Nous reprenons ensuite la route jusqu'à ce que, vers 10h, la chaleur devienne intenable. Nous nous réfugions alors dans une sorte de petit "resto route" à l'ambiance très cosy. Que c'est agréable de se retrouver à l'ombre sur des coussins autour d'une table basse, d'être accueillis par un jeune couple turc très sympathique qui après le repas nous offre de bon cœur des mures de murier, des prunes de son jardin... Vers 16h, nous quittons notre havre de paix, le soleil est encore haut mais à entamé sa phase descendante. En fin d'après-midi, nous arrivons dans une large vallée couverte de serres où poussent majoritairement des tomates. Éparpillées au milieu des serres, des habitations faites de bric et de broc, oserais-je dire taudis, où logent des ouvriers agricoles. L'ambiance est on ne peut plus glauque: des serres, quelques barres en béton, une mosquée, un supermarché bien achalandé en alcool, semblent être les seuls éléments constituant cette étrange ville. Quel contraste avec notre ferme biologique de Pastoral Vadi! C'est incroyable qu'il y ait besoin de serres pour gagner en rentabilité dans un endroit si chaud. Nous qui transpirons à l'extérieur, nous n'osons pas imaginer ce que doivent être les conditions de travail des ouvriers dans cet enfer agricole. Et dire que bien souvent lorsque nous mangeons des tomates nous entretenons un tel système... Nous fuyons cette "plastic city", qui a pour nom Knidis, alors que la nuit tombe, à la recherche d'un bivouac dans un lieu moins oppressant... Alors qu'il fait déjà bien nuit, nous nous étendons sommairement sous un olivier pour une courte nuit à la belle étoile. Nous avons parcouru 102km.
 
Knidis
 
Au petit matin, nous gravissons un petit col. Nous sommes récompensés par, une superbe vue sur la côte, qui abrite de petites stations balnéaires proprettes. Nous nous demandons si les touristes soupçonnent  l'existence de Knidis et ses champs de tomates sous plastique derrière la colline... sûrement pas. Nous apprécions à ce moment-là notre vélo qui nous permet de voir les paysages et leurs faces cachées. Nous suivons alors la côte dans la lumière du matin, la route s'amuse du relief, monte, descend, nous dévoile de petites plages de galets blotties au fond des criques.
 
Sur la côte avant Kas.
 
Nous continuons ainsi jusqu'à Kas; il est 9h30, la température augmente rapidement et nous savons qu'une montée nous attend. Nous hésitons à nous arrêter mais nous savons qu'à 16h30, heure à laquelle nous reprenons habituellement le vélo, la chaleur sera à peu près la même. Nous nous lançons. Au bout de trois kilomètres nous sommes "liquéfiés", nous suons plus vite que nous buvons! Et le sommet est encore a quatre kilomètres. Nous essayons le stop,  lançant le pouce dès que nous voyons un pick-up ou un camion. Rien à faire, nous devons pédaler... en mettant pied à terre tout les deux cents mètres pour souffler et boire une gorgée. Nous nous écroulons, au sommet, sur les coussins d'un petit restaurant qui nous prépare des "pides", sorte de pizzas allongées qui n'ont rien à envier à leur voisines italiennes.
 
Écrouler, c'était bien le terme!!!
 
"Pide" pour reprendre des forces.
 
L'après-midi, après une partie vallonnée et une longue descente sur la côte, nous avons l'impression de revivre la soirée de la veille : nous sommes à Kale (ou Demre) une autre ville sacrifiée pour la production de tomates! Vite, vite, nous nous pressons de traverser cette zone et plantons la tente, à la nuit, dans une carrière désaffectée. 92 kilomètres au compteur.
 
 Nouvelle "plastic city": Demre.
 Bivouac peu charmant...
 
Le lendemain, le menu est le même: jolie côte et petite ville balnéaire de Finike, tomates sous plastique à Kumluca, longue pause méridienne dans une station service (très pratique! sieste sur la pelouse, douche dans les toilettes, repas et et mise à jour du site au resto route), éprouvante montée et enfin une descente au soleil couchant par une petite route raide vers ce petit lieu atypique, Olympos. Challenge réussi, nous sommes à l'heure au rendez vous!
 
Tomates à croissance rapide...
Descente vers Olympos.
 
 

Pastoral Vadi: première expérience dans une ferme biologique

Du 5 au 12 juin,

Après une nuit agitée dans un bus, nous arrivons enfarinés dans la petite ville touristique de Fethiye à 7h30.

Petite parenthèse sur les bus. Les turcs ont, selon toutes apparences, de grandes exigences de confort et de moelleux. Le sol des mosquées est recouvert d'épaisse moquette, les fauteuils où l'on prend le thé ont toujours leur petit coussin, les cafés sont remplis de tapis. Une exception: les bus. On y passe pourtant une nuit complète pour rejoindre les différentes villes si éloignées de Turquie; mais ils ne sont pas plus confortables que des bus de jour que l'on trouve classiquement en France. Ils n'ont par exemple rien à voir avec les confortables bus qui sillonnent l'Amérique latine. Les bus sont l'exception turque au confort moelleux.

C'est vendredi, le jour du marché, nous observons les étals qui finissent de se monter, de grandes toiles sont étendues pour protéger du soleil les producteurs, parfois assis à même le sol, qui présentent leurs récoltes.  Nous nous demandons quels sont les fruits et légumes qui sont cultivés dans la ferme où  nous allons travailler.

 Marché paysan de Fethiye

 Nous prenons une crêpe turque (appelée gözleme) banane et chocolat et un thé pour notre petit déjeuner. La cuisinière à qui je donne les 4 liras turques semble gênée. Elle appelle son collègue qui parle anglais. A ma grande surprise, il me demande de reprendre mon argent et de le déposer sur le sol. "It's first money, it's an old Turkich tradition, we don't touch first money". Les 4TL sont donc par terre... mais, si le sol turc n'est pas couvert de pièces c'est qu'elles sont ramassées lorsqu'un deuxième client a payé. On nous dessine un plan pour nous rendre à la ferme "Pastoral Vadi" (vallée pastorale en français) qui est à une dizaine de kilomètres de là. Il est à peine huit heure et le soleil commence à sérieusement chauffer. Le domaine écologique d'Ahmet Kizen se niche au fond d'une vallée fertile le long d'une rivière où poussent des fleurs multicolores et où abondent les jardins.

En fait il s'agit plus d'un domaine dédié à l'écotourisme qu'à la production agricole biologique. Les touristes -ou guests- y sont logés dans des maisons construites selon des méthodes traditionnelles et écologiques: soit en bois, soit en pierre, soit en terre.

En tant que volontaires, logés et nourris en échange de notre travail, nous continuons à utiliser notre traditionnelle maison écologique: notre tente.

Maison écologique en pierre

Maison écologique en bois (le double toit permet l'évacuation de la chaleur)

Maison écologique en terre

 

Notre maison écologique à nous, près de l'alambic pour faire les huiles essentielles. Derrière la palissade, le compost.

Une dizaine de personnes participent de près ou de loin au bon fonctionnement de cette ferme. Ahmet  en est le propriétaire et le fondateur. Une cuisinière et une intendante s'activent à la cuisine et s'occupent des guests. Nous travaillons aux champs avec Eray et Askin qui sont responsables des cultures. Ils ne sont là que depuis un mois et ont la charge de d'étendre le potager. Un paysan voisin vient aussi régulièrement travailler. Des amis qui apparaissent et disparaissent donnent des coups de main. On ne comprend pas toujours leur lien avec la ferme.

Les repas sont pris en commun dans une cuisine en plein air savamment conçue pour rester fraîche (double toit qui permet d'évacuer la chaleur, circulation d'eau à proximité, verdure...). Une cuisinière y prépare des repas savoureux et sains issus des produits bio de la ferme. Les repas sont quasi exclusivement végétariens.

Une assiette de petit dej'

Notre travail a la ferme durant la semaine a été plutôt répétitif et assez pénible. Il fallait préparer la terre des champs pour les rendre cultivables. Les champs ont été d'abords broutés par des moutons (!) puis labourés (avec une charrue menée par un cheval) et nous nous occupons de les bêcher et de finir le désherbage.  On a appris rapidement un nouveau mot turc "çapak" (bêcher). Tous les matins entre 6h et 8h30 environ et tous les soirs de 17H30 à 20h30 nous cassons les mottes et faisons de petits tas des racines et de pierres.  Une ampoule ouverte sur la main m'a permis d'obtenir une tâche alternative: la brouette "el arabate". Armée de ma fourche, je brouette les monticules de racines jusqu'au compost. Nous avons vite mal au dos et derrière les cuisses...  Nous sommes aussi piqués par de nombreux insectes. Pendant deux ou trois jours j'ai une cheville enflée pour cause d'une piqûre. Askin, avec qui nous travaillons me dit que ce doit être un petit serpent! Pas facile la vie "bio".

On regrette un peu aussi de ne pas en apprendre plus sur les méthodes de production biologiques et de ne pas avoir une visite détaillée de la ferme. Mais nos collègues débutent dans le domaine et la barrière de la langue ne permet d'aborder des détails techniques.

 

Le champ à bêcher et la brouette...

Mais parlons des bons moments. Je pense d'abord celui-ci qui est très simple: après une heure ou deux de "çapak", l'un de nos comparse s'éclipse souvent pour aller dans le verger d'à côté nous cueillir de succulentes petites pêches sucrées ou des oranges que nous partageons, parfois assis dans le champs. Délicieuse pause sucrée. Petit à petit nous nous lions d'amitié avec Askin et Eray avec qui nous communiquons grâce à notre petit dictionnaire français/turc. Eray aime chanter et chante joliement des chants traditionnels turcs, kurdes ou arméniens, avec d'émouvantes vibrations. Askin se met sérieusement à apprendre le français. Ils nous font visiter les alentours. Eray nous a amené dans sa jeep vers l'amont de la rivière où demeurent les restes d'une mine de chrome exploitée par des français. Cette belle rivière riante est une bénédiction, sans elle le domaine serait un désert. Nous nous baladons le long de ses berges qui nous révèlent des surprises: un arbre d'une espèce endémique (aidez-nous à l'identifier dans la rubrique kézako) dont la sève a un parfum doux et sucré semblable à du lilas, des libellules sombres, une station hydrométrique... En chemin nous nous arrêtons sous un mûrier platane et nous gavons de ces délicieux fruits violet sombre, poisseux et tachants.

 

Eray cueille du millepertuis pour le mettre à  sécher

 

Dégustation de mûres

 

Une autre fois nous descendons la rivière jusqu'au bord de la mer. Une plage privée qui appartient à la résidence "Yonca" tenue par les parents d'Emla, qui vient donner des coups de main à Pastoral Vadi. Nous sommes encore une fois, comme en Croatie, choqués par ces plages accaparées par des résidences et des hôtels, dont l'accès est interdit au simple public. Sur la plage, des tables, des coussins, un hamac. Des poules naines vaquent autours de nous. Dans la rivière qui se jette dans la mer il y a des tortues d'eau et beaucoup de poissons. Un bain dans cette mer chaude nous délasse. Au loin nous pouvons profiter d'une jolie vue sur les îles et la côte montagneuse qui entoure cette plage. Nous nous attablons avec Eray et Askin et avec des gestes, des mots anglais, français ou turcs nous en apprenons un peu plus sur eux. Eray nous révèle qu'avant de travailler à la ferme il était éditeur à Istanbul, il a aussi vécu dans sa jeunesse à Adana (c'est d'ailleurs là qu'il a connu Askin) puis à Mardin (l'amour qu'il a pour cette ville influencera notre parcours futur). Il a laissé tombé l'édition pour le rude travail agricole. "Pourquoi?" lui demande-t-on. Pour plus de liberté nous répond-il, pour s'éloigner de la société de consommation et du stress. Askin c'est un peu la même chose, il a de son côté abandonné son ancien métier de libraire. Eray  nous confie qu'il était communiste dans sa jeunesse. Il est amusé de notre réaction "Lorsque l'on  parle de communisme avec des Turcs cela crée tout de suite un malaise et un blanc dans la conversation, lorsque l'on en parle à un français cela ne choque absolument pas". Nous lui demandons si il est toujours communiste aujourd'hui et il nous répond avec un grand sourire "anarco-communiste". Eray était étudiant en médecine et membre du parti communiste turc lors du coup d'Etat militaire de 1980. Il a été emprisonné pendant cinq ans et a été torturé. Du coup il n'a pas fini ses premières études et s'est reconverti plus tard dans l'édition. Le récit de cette vie traumatisée nous laisse songeurs.
A cinq heures on se prépare pour aller "çapaker", en général assis sous l'auvent de la maison principale, qui abrite les outils et le séchoir à fleurs nous patientons quelques minutes et attendons que le soleil décline. La vie à Pastoral Vadi est aussi faite de grands moments vides, en milieu de journée il fait si chaud que nous n'avons pas le courage de prendre nos vélos pour aller nous balader dans les alentours. Assommés par la chaleur, et fatigué par la travail matinal, nous faisons de longues siestes dans une cabane dans un arbre, lisons ou jouons au échecs...

Plage de "Yonca lodge"
 
Dans la ferme on récolte des olives, divers fruits et légumes, des œufs. On y fabrique  même vin, de l'huile d'olive, des huiles essentielles... Une grande partie des produits de Pastoral Vadi est consommée sur place, seule une petite fraction est vendue à l'extérieur et en général à Istanbul ou Ankara. Toutes les méthodes de production sont à l'ancienne: rien n'est mécanisé. Le vin est est foulé au pieds, un pressoir en pierre est utilisé pour l'huile d'olive et pour les champs c'est la charrue à cheval, l'huile de coude et la bonne vieille bêche. C'est une certaine philosophie. Elle permet de faire découvrir des modes de production anciens aux touristes. Ce n'est en tous cas pas une méthode viable pour démocratiser la consommation de produits biologiques. Nous serions curieux de visiter une ferme biologique moins "artisanale" et orientée vers une production à plus large échelle. On y pense d'autant plus lorsqu'en plein bêchage nous nous disons qu'un motoculteur pourrait nous remplacer!
 
 
Eray et Askin ont rapporté une bouteille de vin pour notre dernière soirée

 

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