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Route Shimla Manali, sur les flancs de montagnes vertes

29 juillet au 7 août,

En fin d'après midi nous quittons l'appartement de Tak en direction de la gare de Old Delhi qui dessert principalement les destinations du nord de la capitale. C'est l'heure de pointe et nous sommes pris dans les bouchons et la pollution mais heureusement, il ne pleut pas. A la nuit tombée, nous arrivons à la gare avec beaucoup d'avance car on doit enregistrer nos vélos comme des marchandises. En effet, les trains indiens de passagers, possèdent aussi des compartiments de fret. Parmi les six classes de confort (c'est bien compliqué), nous avons choisi "Sleeper class" et nous sommes installés dans des voitures transformables en couchettes sans clim mais avec des ventilateurs au nom évocateur de "concorde" tant pour leur puissance que pour leur bruit. Dehors, c'est le déluge, le wagon prend l'eau et en plus, nous sommes la proie des moustiques. Pourvu que le palu ne soit pas pour cette foi!
A quatre heure du mat' nous arrivons à Kalka, il tombe toujours des trombes d'eau, nous décidons de poursuivre en train jusqu'à Shimla, fin de la voie ferrée. Ce deuxième train qui part en retard du fait de coulées de boue sur la voie ne mettra pas moins de sept heures pour parcourir les 90km et gravir les 2000m de dénivelé qui nous séparent de Shimla. Néanmoins, le voyage est très agréable, la voie ferrée, en balcon, grimpe doucement sur les flancs raides de montagnes couvertes, jusqu'au sommet, d'une végétation verdoyante et nous offre de splendides points de vue. En plus, nous avons chacun un bon bouquin, merci Sophie!
Shimla, accrochée sur les pentes de ces montagnes pré-himalayennes, est une petite ville où le gouvernement colonial prenait ses quartiers d'été pendant la mousson. Sur la place principale se trouvent une église et de nombreuses bâtisses de style britannique. Une grande colonie de singes a élu domicile dans cette cité, les facétieux primates se promènent de toit en toit. Un temple est même dédié au dieu singe Hanuman: "Jaku temple". Nous sommes allés le visiter, armés d'un bâton: c'est l'usage si on ne veut pas risquer de se faire attaquer par les singes. Il faut aussi éviter de croiser leur regard, cela correspond pour eux à une provocation, à un défi. Ce temple hindou, comme tous ceux que nous avons croisés est très coloré, avec ses statues de primates peintes en orange, il nous fait un peu penser à une maison pour enfants.

Primates de Shimla
Le jour suivant, nous décidons de rester à Shimla. Un petit détail qui fait basculer notre décision est le numéro de mai du "Nouvel Observateur" consacré à l'Inde que nous trouvons à l'hôtel au petit déjeuner. Nous dévorons ce magazine qui nous offre un point de vue sur l'Inde à un moment où nous avons bien du mal à nous faire une opinion sur ce pays et ses habitants avec lesquels nous avons le sentiment de communiquer peu. Nous avons sûrement été mal habitués avec les curieux et volubiles Iraniens! Le "Nouvel Obs" dresse un tableau d'une Inde où les tensions dans la population sont fortes: inter communautaires d'une part, particulièrement entre les musulmans et les autres communautés, entre les différentes couches de la population d'autre part notamment à cause du système de castes. Certains dalits (les "intouchables" ou caste la plus basse) se convertissent au bouddhisme pour échapper à leur condition (car le système des castes figées pour chaque individu est quasi-indissociable de l'hindouisme). D'autres s'en satisfont car un système de quota leur permet de bénéficier de menus avantages que leur envieraient presque certains pauvres d'autres castes...
Route Shimla Tattapani

C'est la fête sur le toit du bus
Le lendemain, enfin un peu de vélo, nous partons pour une chevauchée de six jours qui nous mènera à Manali. Les route qui parcourent ces montagnes vertes, souvent couvertes de cultures nous enchantent. Le riz, le maïs et les pommes de terres poussent en terrasse, les pommiers s'accrochent sur les pentes.
Rizières en terrasse.
Pratique indo-landaise.

Au détour d'une route nous rencontrons un Sikh, enturbanné comme à l'accoutumée. Il nous salue et semble avide de nous parler, précieuse occasion que nous ne manquons pas de saisir. Il nous explique qu'après avoir passé une grande partie de sa vie à vendre de l'alcool dans une petite échoppe en Angleterre, il est rentré en Inde et a acheté un petit lopin de terre où poussent des pommiers. Gentiment, il nous décrit le relief de la route que nous allons suivre et nous prie d'être prudent. Éphémère mais sympathique échange. Nous effectuons nos premières montées, elles entrainent nos mollets aux futurs efforts qu'ils devront fournir pour franchir les hauts cols himalayens. Le second jours nous montons pendant 28km. Nous apprenons à trouver le bon rythme, celui qui nous permet de deviser en grimpant. Ensuite, c'est souvent la descente, celle qui met du vent dans les boucles. Le troisième jour, entre Chindi et Rohanda, la route reste longtemps en balcon, nous profitons alors de tous les détails. L'habitat de l'Himachal Pradesh (région de l'Inde où nous nous trouvons) est soigné: murs blancs encadrés de poutres bleues décorées de frises peintes, toits couverts de grandes ardoises bleutées dont la couleur semble varier selon les changements de luminosité. Et il y en a des changements de luminosité! En cette période de mousson, la pluie nous a toujours été épargnée mais nous avons eu droit au ballet des cumulus jouant avec les pentes et les rayons du soleil et nous offrant quelques instants magiques.
Maison de l'Himachal Pradesh
Ballet des nuages
Les deux derniers jours nous retrouvons une route plus importante qui suit la vallée, nous avançons plus rapidement, mais perdons aussi le calme de nos chemins de traverse.
Le dernier soir avant Manali, nous nous arrêtons chez un couple de retraités qui loue quelques chambres à côté de leur maison. Comme toujours, nous négocions le prix, nous nous mettons d'accord pour 300 roupies (5 euros) pour deux avec la demi pension. Des jeunes qui tiennent un minuscule "snack" à l'entrée de la maison nous préparent un "rice dal". Nous discutons toute la soirée avec Gopal, maître de maison attachant aux petits yeux pétillants qui met en marche un sonotone à chaque fois que nous lui parlons. Il nous explique qu'il est brahmane (caste la plus élevée) ce qui le dispense d'aller au temple pour prier. Comme s'il avait besoin de nous "jauger", nous qui sommes hors caste, il nous demande notre salaire. Quand nous lui en demandons plus au sujet de la religion hindouiste, il élude la question en disant qu'une vie ne suffirait pas à tout comprendre... Alors une soirée! Cet ancien professeur de littérature anglaise est passionné d'auteurs français : Rimbaud, Baudelaire, Mallarmé, Camus, Malraux, Proust. Ils les a tous lu, en anglais, il est content que nous les connaissions et aimerait nous montrer ses livres. Ceux ci sont dans une autre maison à Ratlam, au milieu du trajet qui relie Delhi à Bombay, dans le Madhya Pradesh où il passe six mois de l'année. Nous sommes invités. Pour nous convaincre, il nous dit que près de chez lui, à Khajuraho se trouve un temple de l'amour très instructif, complètement désinhibant qui fait l'inventaire exhaustif des positions érotiques.
Anne-Marie profite du rituel du "masala tea" pour lui demander la formule de ce délicat mélange d'épices. Il nous donne la sienne et nous conseille de nous lancer dans la production de massala en France, ce serait un "good business" et on pourrait partager avec lui les bénéfices. Papi ne perd pas le Nord!
Au petit déjeuner, le lendemain matin, nous avons droit à une véritable interview, Gopal veut écrire un article sur nous et notre périple dans le journal. Avant de partir, nous observons les plantes du jardin et découvrons un gigantesque plan de cannabis. Gopal nous explique comment en extraire la résine en frottant les feuilles dans le creux de la paume de la main. Plus tard, nous nous apercevons que dans cette vallée, le cannabis pousse dans tous les fossés, c'est une véritable mauvaise herbe! Et dire qu'en Occident, certains s'évertuent à le faire pousser dans leur placard... Nous espérons bien nous ré-arrêter, au retour, chez ce papy pas comme les autres ou peut être passer le voir dans le Madhya Pradesh.
Gopal et Kala, son épouse

Manali n'est qu'à une vingtaine de kilomètres, nous avons le temps de musarder. Nous montons à Naggar, -nos mollets s'en souviennent- et visitons le château de ce pittoresque petit village. Architecture de l'Himachal, mélange de pierres et de bois sculpté et vue surplombante sur la vallée de Kullu. Encore un peu plus haut, une galerie de peinture qui réunit des tableaux de la famille Roerich. Elle est installée dans l'agréable maison de ces russes. Le grand père, fasciné par la lumière de l'Himalaya, ne peignait que des sommets.
Sur le balcon du château de Naggar
Encore quelque coups de pédales et nous atteignons Manali. Deux jours de repos à Vashicht, village un peu à l'écart du centre ville très touristique, très international où on a vu de la "soupe à l'oignon française" côtoyer des brownies américains, des pizzas italiennes et des plats indiens sur la carte d'un restaurant tenu par des népalais.
A Manali et dans le Ladakh, les sacs en plastique ont été remplacés par des sacs en papier